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Histoire du nucléaire
Des Loups et des Hommes
  1. Histoire
  2. Des statuts multiples
Les lignes qui suivent sont principalement consacrées à la situation française avec une exception pour le parc de Yellowstone qui fascinait les français dès le début du 20e siècle et fut une source d'inspiration pour les créations hexagonales.

Histoire

L'idée de Wilderness et les Etats-Unis

En 1864, en pleine guerre de Sécession, un décret d'Abraham Lincoln protège la vallée du Yosemite et les séquoias géants voisins de Mariposa Grove d'une exploitation privée, grâce à l'intervention d'un sénateur de Californie, John Conness, lequel est poussé par John Muir. Ecrivain et naturaliste, John Muir à puissamment contribué au développement des idées environnementalistes (il fondera le Sierra Club en 1892, une des premières associations américaines de protection de la nature).

Yellowstone National Park, 1872
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The Grand Canyon of the Yellowstone, par Thomas Morgan (1872); crédit Smithsonian American Art Museum / Wikipedia, domaine public.
Le premier parc national des Etats-Unis (et sans doute aussi le premier au monde) est créé.

Cette création fait suite à une mission Ferdinand Vandeveer Heyden dans les vallées de la Yellowstone et de la Firehole. Pour mieux convaincre le sénat américain, Ferdinand Vandeveer Heyden se fait accompagner par un photographe et surtout par le peintre Thomas Moran.

Il faudra cependant attendre 46 ans, pour que l'agence fédérale qui en assure aujourd'hui la gestion, le National Park Service soit mise en place en 1916 (Auparavant le parc est géré par l'armée). Les buts énoncés sont: «la conservation et la protection des paysages, des sites naturels et historiques, de la faune, de la flore afin de les transmettre intacts aux générations futures et afin qu'elles puissent elles aussi les admirer comme nous l'avons fait en notre temps».

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Poster, Ranger Naturalist Service; crédit: Library of Congress/Wikipedia, domaine public.
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Vue aérienne de Grand Prismatic Spring; auteur: Jim Peaco, National Park Service; domaine public.



La situation est particulière puisque les zones concernées ne sont pas habitées (ou étaient marginalement habitées par des indiens qui en ont été chassés). Ainsi avec d'autres territoires comme par exemple certaines forêts les parcs font partie des lieux protégés par le Wilderness Act de 1962, là «où la terre et sa communauté de vie ne sont point entravés par l'homme, où l'homme lui-même n'est qu'un visiteur de passage.» .

Après l'attaque et le décès de deux touristes en 1877, l'accès du parc est interdit aux amérindiens. Le premier hôtel est construit en 1880 et trois ans plus tard le train dessert le parc (gare de la Northern Pacific Railroad)

La préoccupation est clairement esthétique et scientifique. Le caractère scientifique s'est cependant heurté à de nombreuses limites (Chansignaud, 2013: 136-137); si le parc, de la taille de la Corse, constitue aujourd'hui la plus grande réserve de faune sauvage des Etats-unis, il n'en a pas toujours été ainsi et cette facette de son histoire est assez tourmentée.

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Bison bison, aquarelle de James Hope Stewart pour The Naturalist's Library, 1836; crédit Wikipedia, domaine public.
Le Bison est un survivant; le plus grand herbivore et symbole de la nation américaine ne comprenait plus que 23 individus en 1895, alors que la population actuelle en compte environ 5 000. La population est est toutefois en partie infectée par la brucellose, une maladie qui peut être transmise au bétail et qui complique la gestion du parc.

Le Wapiti (Elk en anglais, Cerf rouge) forme la plus importante population de grands herbivores avec 10 à 20 000 individus; il effectue des migrations comme le Bison pour suivre les variations saisonnières dans la végétation et est lui aussi un foyer de Brucellose).

Les Elans (Moose en anglais) sont bien moins nombreux (environ 200), en régression depuis les années 70 (pendant lesquelles la population comptait un millier d'individus). La multiplication des feux de forêt serait la cause de cette régression.

Avec les Coyotes et Couguars, le Loup est la cible de campagnes d'empoisonnement menées dès 1880.

En 1930 le Loup est éradiqué de la totalité de l'ouest des Etats Unis, mais survit au Canada. Il obtient une protection en 1973 dans le cadre du Endangered Species Act (ESA) et est réintroduit à Yellowstone en 1995 (une quarantaine de Loups sont relâchés). En 2016, leur nombre dépasserait la centaine.

La capacité d'adaptation du Coyotte lui a permis de résister à tous les efforts de destruction menés à son encontre; l'effectif a diminué depuis la réintroduction du Loup avec lequel il est en compétition, mais reste élevé.

Le Renard est aujourd'hui a peu près aussi abondant que le Coyote dont il est un autre compétiteur. Bien qu'il existe des sous-espèces indigènes des Etats-Unis, une grande partie des populations sont issues d'animaux introduits d'Europe pour la chasse et la fourrure.

Le Couguar (Mountain Lion) est présent, mais extrêmement difficile à voir; la population s'est plutôt accrue, même après la réintroduction du Loup et est estimée à une trentaine d'individus. Le Lynx (Bobcat), plus petit, serait plus abondant, mais les effectifs sont inconnus.

A la suite de la construction du premier hôtel en 1880, les Ours noirs prennent l'habitude fouiller les poubelles. De plus jusque dans les années 60, ils étaient fréquemment nourris par les visiteurs. Cette pratique est aujourd'hui interdite et on essaie de les déconditionner de leur attirance pour les sources humaines de nourriture, ce qui a réduit les incidents entre ces Ours et les humains. Yellowstone constitue la seule zone des Etats-unis ou les Ours noirs cohabitent avec les Grizzlis.

Le Grizzlis est une sous-espèce d'Ours brun; en 2016, le parc compte 150 grizzlis; cette espèce est potentiellement dangereuse et les visiteurs doivent maintenir une distance d'une centaine de mètres envers ces animaux et évidemment, ne pas les nourrir.

Ainsi, il faut attendre plus d'une centaine d'années à partir de la création du parc pour que l'objectif de préservation soit intégralement mis en œuvre (en incluant les grands prédateurs). Le parc reçoit chaque année trois millions de visiteurs qui, à part la grande faune, viennent admirer ses geysers et sources d'eaux chaudes; il est classé au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1978.

Le Loup a-t-il sauvé Yellowstone ?

Les Mammifères De Yellowstone, sur le site du National Parks Service.

En France

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Etude de rochers et d'arbres, 1829, par Théodore Rousseau; Wikipedia, domaine public.
La série artistique de Fontainebleau
A la demande des peintres de l'école Barbizon, 1000 ha de la forêt de Fontainebleau sont protégés en 1861. C'est le premier espace protégé français et cette création sera suivie en 1906 d'une loi sur la protection des sites et monuments naturels de "caractère artistique".

La situation métropolitaine française, sur des terres occupées par les hommes depuis longtemps est très différente de celle des Etats-unis. Seules les colonies (Algérie, Tunisie, Maroc, Madagascar, Congo, Centrafrique) verront sans grandes polémiques, la création de parcs et de réserves naturelles entre 1921 et 1936.

Toutefois en Algérie, le pastoralisme nomade est accusé d'être à l'origine de la disparition de la forêt. Les pratiques agro-pastorales traditionnelles, comme les incendies semi-contrôlés ou le pâturage en forêt, sont délégitimées. Le code forestier français de 1827 est appliqué à la lettre: la protection des forêts doit d'abord répondre aux besoins en bois de l'armée. Les nomades, dont la part est évaluée à 60-65% de la population au moment de la conquête, en représentent moins de 20% en 1911.

Le parc de l'Oisans
Pour la métropole, le début de l'histoire du parc de l'Oisans, en 1913, illustre l'affrontement entre deux visions de l'écologie:
- une vision sociale, menée par des forestiers minoritaires dans leur Corps, visant à restaurer les sols de montagne dégradés par le transhumance, mais en y associant les populations locales dans un tourisme de rencontre et d'échange;
- une vision plus étatiste correspondant à un tourisme scientifique et esthétique à l'initiative d'associations comme le Club Alpin Français et le Touring Club de France.

C'est cette deuxième vision inspirée des Etats-Unis qui l'emporte: lors du premier congrès forestier international de juin 1913 qui se tient à Paris, une motion est votée en faveur de la création de parcs nationaux. Le Touring Club de France (TCF), le Club Alpin Français (CAF), rejoint plus tard par la direction des Eaux et Forêts mettent en place une réserve autour de La Bérarde. Le 31 décembre 1913, l'État acquiert 4 000 hectares de montagne sur les hauteurs de Saint-Christophe-en-Oisans. Cette réserve prendra le nom de parc national de la Bérarde, puis de parc national de l'Oisans, puis de parc national du Pelvoux. Sans statut juridique, ce parc n'a de national que le nom. Il faut attendre la fin de la première guerre mondiale pour démarrer les actions; ensuite les moyens manquent pour éviter le braconnage, et la protection de la faune et des paysages est sacrifiée à l'aménagement touristique: ouverture de sentiers et de routes, construction de refuges et d'hôtels, formation de guides. A la fin des années 30, les forestiers considéreront cette expérience comme un échec; en 1962, le parc devient une simple forêt domaniale. Il faudra attendre 1973 pour que le parc national des Ecrins soit créé sur le même territoire.

Cette division en deux courants réapparaitra plus tard en France dans la dichotomie entre parcs naturels régionaux et parc naturels nationaux et même dans les débats qui animeront la gestion des parcs nationaux constitués d'un cœur seul soumis à une protection stricte et d'une zone périphérique.

Port Cros, une ile sauvée de la spéculation immobilière par deux femmes
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L'hôtellerie provençale (Le Manoir), carte postale, domaine public.
En 1919 Marceline Henry tombe sous le charme de l'ile; elle ouvre l'hôtellerie provençale dans une ancienne auberge, tout en cherchant à préserver les lieux. L'hôtel est fréquentée par des artistes et des écrivains. En 1928, le Touring Club de France parvient a devenir locataire de trois forts et de terrains militaires dont l'armée souhaite se séparer; en même temps les trois forts sont classés monuments historiques. Une autre femme, Paule Desmarais, héritière des pétroles Desmarais, débarque sur l'ile en 1930 et y revient ensuite régulièrement.

EN 1937, à la suite d'un procès, l'ile est mise aux enchères. Pour contrer un projet immobilier pharaonique, Paule Desmarais appelée à l'aide par Marceline Henry achète l'ile de Port Cros. En 1942, Paule Desmarais loue le domaine aux époux Henry avec la charte suivante:« Le domaine devra toujours être laissé dans son état actuel. Il ne pourra faire l'objet d'aucun lotissement. La forêt, ses bois et sous-bois ne pourront être ni exploités ni déboisés. Les mesures contre les dangers de l'incendie, notamment les défenses de camper, chasser, faire du feu, fumer, devront demeurer en vigueur dans toute l'ile. Le domaine ne devra pas être clôturé, il demeurera accessible aux visiteurs de l'ile, sauf certaines parties attenantes aux habitations... ». Après une courte occupation par l'armée allemande pendant l'été 44, l'ile retrouve ensuite ses visiteurs, dont des étudiants privilégiés qui viennent y "refaire le monde". En 1950 le Phoque moine disparait des iles Hyères.

En attendant la loi sur les parcs nationaux français, qui tardait à venir
Au cours des trente glorieuses, quelques fortes personnalités se dégagent dans le monde alpin, révélant la diversité des pistes possibles pour protéger la nature et des visions très différentes du futur:

Gilbert André, né dans les Vosges et fils d'industriel, finit par se fixer à Bonneval sur Arc dont il est élu maire en 1956; il idéalise la vie rurale en opposition à l'industrialisation et à l'urbanisation et va largement contribuer à la création du parc national de la Vanoise. Proche de Samivel, son but est de valoriser l'activité pastorale et artisanale des montagnards en s'adressant à une clientèle citadine cultivée et plutôt fortunée; sa vision est élitiste et il rejette la science qui agit "contre les hommes".

Gilbert Amigues, ingénieur des Eaux et Forêts, affolé par la ruée vers "l'or blanc" va créer sept réserves naturelles en Haute-Savoie dont celles du Bout du lac (d'Annecy) et celle du Roc de Chère. Son action pragmatique est sa position vont être remarquablement efficaces.

Jean Eyhrade, nommé prêtre à Argentière (une punition pour son indépendance d'esprit) est influencé par mai 68 et par Teilhard de Chardin; il va s'impliquer dans la gestion de la réserve naturelle des Aiguilles rouges, privilégiant la formation scientifique du plus grand nombre de visiteurs et l'autogestion; avec peu de moyens, le col des Montets reçoit et inspire beaucoup de citoyens.

La loi française sur les parcs nationaux
Elle est enfin publiée en 1960. Elle est marquée par la distinction d'une zone centrale (seule réellement protégée) et d'une zone périphérique. Elle se traduit trois ans plus tard par la création des premiers parc nationaux français (Vanoise, Port-Cros).

Le second se fait à la demande et avec les donations à l'état de Marceline Henry et Paule Desmarais.

Le premier s'inscrit dans une demande formulée dès la fin des années 1930 par les associations de chasse qui souhaitent préserver Chamois et Bouquetin de la disparition, en s'appuyant sur l'existence de l'autre côté de la frontière du parc national italien du Grand Paradis; la demande est reformulée en 1943 par Marcel Couturier. En 1955, Gilbert André la reformule avec des objectifs très différents (cf ci-dessus). La synthèse entre ces différents objectifs se retrouvera dans le partage de la Vanoise en trois types de zones: réserves intégrales à l'abri de l'intervention ordinaire de l'Homme, le parc préservant la faune, mais ouvert à l'exploitation pastorale, forestière et au tourisme, le pré-parc, zone tampon et couronne d'accueil touristique.

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Manifestation de skieurs de randonnée sur le glacier de Chavière, 1989; © Mountain Wilderness.
La Vanoise ou le conflit permanent entre valorisation des ressources naturelles et "or blanc"
Il ne se sera pas passé six ans depuis la création du parc de la Vanoise qu'un projet pharaonique est lancé en 1969 par Pierre Schnebelen, qui a déjà à son actif la création de la station de Tignes-Val Claret. Il s'agit de développer deux stations, l'une (Val Thorens) en haute altitude située dans la vallée des Bellevilles au dessus de la station existante des Menuires, l'autre (Val Chavière) en Maurienne. Les deux stations seront reliées entre-elles et le ski d'été doit se pratiquer sur le glacier de Chavière. Le problème est que ce glacier est situé en zone centrale du parc, donc strictement protégé. A l'époque le maire de St Martin de Belleville est Joseph Fontanet. Et il est aussi Président du Conseil Général de Savoie, ministre et proche du Président Pompidou. On ne s'étonnera pas que le conseil d'administration du parc donne son aval en juin 1971 (une première entorse à la législation du parc s'était déjà produite en 1967, afin de développer, là aussi, le ski d'été sur le Glacier de La Grande Motte, au-dessus de Tignes).

Cependant le projet de Val Chavière est abandonné (Ce n'est qu'en 1995 qu'un des plus longs télécabines du monde relie Val Thorens au village d'Orelle, en Maurienne) et l'équipement du glacier de Chavière doit rester limité.

La station de Val Thorens ouvre en 1971 avec trois téleskis. Et deux téleskis sont installés sur le glacier de Chavière en 1974. Au fil des années, la station poursuit son développement tous azimuts: en 1982 le plus gros téléphérique du monde est inauguré pour accéder à la Cime Caron, à 3 200 m d'altitude (mais hors zone centrale). Du côté du glacier de Chavière, l'évolution est cependant moins favorable (pour la station): le recul du glacier conduit à abandonner l'exploitation des deux téléskis installés sur cette partie du domaine.

En 1989, pour dépasser ces difficultés, le nouveau maire de Saint-Martin de Belleville veut rééquiper le glacier jusqu'à 3 400 m d'altitude(avec l'appui de 25 maires sur 26 des communes de la zone périphérique du Parc. Mais la réaction des protecteurs de l'environnement est vive et très organisée, avec à leur tête l'association Mountain Wilderness: des alpinistes organisent un bivouac sous les fenêtres du siège de l'association des maires de stations de sports d'hiver à Paris, tandis que quatre cents randonneurs à ski montent sur le glacier de Chavière pour dessiner un gigantesque "NON". Le contexte politique à changé et le secrétaire d'état à l'écologie, Brice Lalonde, se prononce contre le projet. En mars 1990, Mountain Wilderness lance une pétition nationale pour demander le démontage des deux téléskis inutilisés. Il faudra attendre 2002 pour que la société exploitant les remontées démonte les pylônes rouillés, peut-être pour se faire pardonner l'équipement concomitant du vallon du Bouchet.

En 2006 est votée une loi imposant aux parcs nationaux l'élaboration d'une charte pour mieux associer les communes et adapter les actions aux contextes locaux. Dans 9 des 10 parcs nationaux français, les chartes reçoivent une très large approbation des communes concernées (adoption par plus de 75% des communes). Mais le parc de la Vanoise reste le mouton noir: en 2015, seules 2 communes des 29 constituant le territoire du parc acceptent d'adhérer à la nouvelle charte. Ironie de l'histoire, Saint-Martin de Belleville (où se situe la station de Val Thorens) fait partie des deux communes ayant adhéré... ce que le directeur du parc de la Vanoise résume dans une conclusion provisoire: «Les collectivités n'ont pas besoin du parc pour leur développement économique, elles veulent juste son image».

De la société de la vache au parc animalier
Quatre des parcs nationaux français sont situés en haute-montagne. A partir des années 60, les mesures de protection et des réintroductions volontaires (Gypaète, Ours) vont permettre une augmentation presque inespérée de la grande faune (pour l'Ours, la situation reste difficile). Les réactions sont diverses.

Un grand nombre de citadins visitent les parcs et d'autres sites souvent dans le but exclusif d'observer des animaux en liberté, tandis que les zoos sont de plus en plus contestés. Cet engouement développe de nouvelles activités qu'on peut qualifier de "tourisme animalier".

Les réactions des chasseurs sont mitigées: ils participent à des plans de chasse ayant pour but de réguler les effectifs des populations, mais certains rejettent les contraintes qui les accompagnent.

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Canis lupus signatus, (sous-espèce ibérique) © GNU, Crédit Wikimédia.
Le Loup est une espèce sauvage particulière; première espèce domestiquée par l'Homme il y a plus de 30 000 ans (il a donné naissance à la sous-espèce Chien), il a été très respecté par les chasseurs cueilleurs et les premières communautés agricoles alors qu'il est détesté par les sociétés pastorales. Le Loup est un associé des plus puissantes déités celtiques. La Louve est le symbole de la ville de Rome depuis plus de 3 000 ans apportant protection et fécondité. Cette tradition est reprise à l'origine dans la tradition chrétienne et Saint François d'Assise qualifie l'espèce de Frère Loup, un point de vue qui persiste de nos jours dans le scoutisme.

Un renversement de paradigme se produit cependant vers la fin du Moyen-âge conduisant à la diabolisation du Loup dans les récits, y compris et surtout ceux destinés aux enfants.

Les agriculteurs de montagne, devenus exclusivement des éleveurs au cours du 20e siècle, sont beaucoup plus inquiets que les chasseurs. Encore une fois, il est nécessaire de prendre conscience que le pastoralisme n'est qu'une étape récente d'une longue histoire, et qu'il ne s'enracine pas dans la nuit des temps.

Les migrations pastorales, de grande ampleur comme la transhumance ou plus limitée (estive) sont des marqueurs d'une exploitation extensive du domaine montagnard. Au fil du temps, la société alpine est devenue une "société de la vache". La faune sauvage a été progressivement éliminée, en particulier les plus gênants, les grands prédateurs. Les agriculteurs se sont habitués à disposer des pâturages pour leur usage exclusif, laissant divaguer des troupeaux sans surveillance.

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Buvez du lait, streetart de Micowell, 2000, Route du Borne, Le Grand Bornand, France; © Creative commons by NC SA (Attribution: Michel Racine, pas d'utilisation commerciale).
Dans les Alpes et ailleurs, on est passé d'une polyculture à une monoculture de plus en plus industrialisée consacrée à la production laitière; cette évolution a abouti à une surproduction et trouve aujourd'hui ses limites, même si les éleveurs de montagne s'en sortent mieux que d'autres en essayant de développer par tous les moyens la vente de fromages (invention de recettes comme la tartiflette, publicité, développement d'AOC). Dans cette situation difficile la faune sauvage, qui n'est qu'un (petit) élément du problème, se trouve accusée de tous les maux. Les herbivores (Bouquetins, Sangliers) peuvent descendre dans les prairies de fauche et prélever une part de la ressource fourragère. Surtout éleveurs et vétérinaires les accusent de constituer des réservoirs de maladies qu'eux-même s'efforcent d'éradiquer dans les troupeaux domestiques. Ces accusions vont servir de prétexte à des campagnes d'abattage disproportionnées et inadaptées qui n'ont en fait d'autre but que d'essayer de remonter le temps.

Mais les protestations les plus vives concernent les attaques de troupeaux par les Loups (et par l'Ours dans les Pyrénées). L'introduction de chiens de protection des troupeaux, dangereuse pour les touristes (alors que le Loup n'a jamais attaqué le moindre randonneur) suscite d'autres conflits.

Dans ces discussions biaisées, les pastoralistes n'hésitent pas à s'ériger en protecteurs de la montagne alors que la montagne dont ils parlent est un milieu artificiel entièrement créé par eux.

Entre le retour en arrière à une montagne d'avant les parcs nationaux d'où tous les grands prédateurs avaient disparu et l'effondrement du monde pastoral tel qu'il subsiste encore, la "voie du milieu", la seule susceptible d'assurer la coexistence entre grands prédateurs et monde pastoral est la plus complexe et la plus difficile (Isabelle Mauz. 2009. Les Alpes, de la société de la vache au parc animalier in Histoire des parcs nationaux. Quæ p.187-204). Philosophiquement parlant, les deux extrêmesrelèvent d'une conception naturaliste dans laquelle l'Homme est isolé de la nature (dans le prtemier l'Homme est absent des parcs, dans le second la nature est détruite). Plus qu'une voie du milieu, ces deux conceptions extrêmes sont à dépasser.

Des statuts multiples

(à venir)

Références

 A. Cadoret. 1985. Protection de la nature: histoire et idéologie. L'Harmattan.

Valérie Chansigaud. 2013. L'Homme et la nature, une histoire mouvementée. Delachaux et Niestlé, Paris.

 Raphaël Larrère - 2009 - Histoire des parcs nationaux
 Raphaël Larrère, Bernadette Lizet, Martine Belan-Darqué (coordinateurs). 2009. Histoire des parcs nationaux. Editions Quæ et Muséum national d'histoire naturelle.

L'histoire des parcs nationaux de France. Sur le site officiel des parcs.

Les chartes. Sur le site officiel des parcs.
Glacier de Chavière: une longue histoire... qui finit bien ! (Mountain Wilderness).

Diana K. Davis. 2007. Resurrecting the Granary of Rome: Environmental History and French Colonial Expansion in North Africa. Athens, Ohio University Press. (2012. Les mythes environnementaux de la colonisation française au Maghreb. Seyssel, Champ Vallon.

Bibliographie

Abry Christian, Bessat Hubert et Carpitelli Elisabetta. 1998. Les racines de l'Alpe. L'Alpe: p.6-11.

Randonner sur le Roc de Chère (sur voyage.alpviv.org par le même auteur que le site Didac-TIC).

Filmographie

Jean-Jacques Anaud. L'Ours.
Adresse de cette page: http://www.didac-tic.fr/concepts/ecosystem/history_of_ecology/parks.php