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Vers un gros cerveau
La marche du progrès
  1. Découverte ↓
  2. Controverse ↓
  3. Des questions sans réponse ↓
  4. Références ↓

Découverte


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La grotte de Liang Bua, 2007 Crédit Rosino, modifié, Creative commons (cliquez pour agrandir).
Lorsque Mike Morwood and Raden Soejono fouillaient la grotte de Liang Bua, sur l'ile de Flores, en Indonésie, ils cherchaient comment les populations anciennes avaient peuplé l'Australie à partir de l'Asie et ne s'attendaient pas à découvrir une nouvelle espèce d'hominidé (Ewen Callaway, 2004).

Après 4 années de fouille, des découvertes intéressantes étaient survenues, mais rien de spectaculaire. Lorsque le squelette de LB1 est découvert, Peter Brown est appelé à l'aide et se déplace depuis l'Australie; il explique «si un vaisseau extraterrestre avait été découvert sur Flores, je n'aurais pas été plus surpris». L'équipe identifie rapidement une femme adulte d'environ 1 m possédant une capacité crânienne de 400 cm3. Une datation des charbons voisins donne 18 000 ans (la datation du squelette sera corrigée beaucoup plus tard à 80 000 ans). Mais comment la nommer? Sundanthropus floresianus, Homo floresiensis, et même Homo hobbitus (en référence à Tolkien) seront évoqués. L'équipe évite surtout de lui donner un surnom. La publication (Peter Brown, 2004; Morwood, 2005) fait l'effet d'une bombe. La découverte d'un hominidé de petite taille, d'un volume crânien limité, ayant vécu a une époque récente et accompagné d'outils plutôt sophistiqués représente une mosaïque jamais vue de caractères archaïques et modernes (ancestraux et dérivés).

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La marche du progrès, revisitée par la découverte d'Homo floresiensis (cliquez pour agrandir)
Homo floresiensis ne s'inscit absolument pas dans l'iconographie classique et remet en cause la vision d'une évolution linéaire de la lignée humaine basée sur un "progrès" continu.

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The relative brain and body size of H. floresiensis
Marta Mirazón Lahr & Robert Foley. 2004. Nature 431: 1043–1044.
La petite taille du cerveau surprend d'autant plus que le fossile est accompagné d'outils de pierre assez évolués (en association directe avec des os fossiles de l'éléphant nain Stegodon, ce qui suggère que Stegodon était chassé) et même de traces de feu (qui pourraient être accidentelles ou plus récentes que les fossiles). L'absence de lien apparent entre capacité cognitive et volume du cerveau constitue pour beaucoup une difficulté supplémentaire.

La controverse se développe immédiatement entre les découvreurs et ceux qui cherchent des arguments pour rejeter l'idée d'une évolution "régressive" de la taille dans une branche de l'arbre phylogénétique du genre Homo (Tabitha Powledge, 2006). Chris Striger évoque aussi le fait que la plupart des opposants, comme Alan Thorne et Maciej Henneberg, se réclament d'une vision multirégionale de l'évolution (Stringer, 2012).

Controverse


Microcépahlie
Dès l'annonce de la découverte, Maciej Henneberg, un paleontologue autralien évoque la comparaison avec la découverte d'un crâne microcéphalique de 4 000 ans en Crête. L'hypothèse d'un fossile d'hominidé pathologique avait été envisagée, puis abandonnée, dans l'équipe des découvreurs. Faute d'arguments positifs (et surtout d'arguments permettant d'invalider l'idée d'une nouvelle espèce) cette hypothèse apparait comme une échappatoire.

Confiscation des os
La controverse prend de l'ampleur quand Teuku Jacob, le chef de l'institut national de paléontologie indonésien décide que les os lui appartiennent et les emporte à Yogyakarta, tout en défendant l'hypothèse de la microcépahalie (Corinne Bensimon, 2004). Des moulages sont réalisés avec les os que l'équipe de Mike Morwood considérait comme trop fragiles, provoquant une déterioration du fossile. Puis les os reviennent à Jakarta en février 2005.

Dean Falk étudie alors l'endocrâne et rejette l'idée de la microcéphalie (Falk, avril 2005).

A la suite de la découverte de nouveaux os (le poignet de LB1, une seconde machoire, etc.) un nouvel article est publié soulignant l'existence d'une population d'individus de petite taille et non d'un individu unique pathologique (Mike Morwood, octobre 2005).

En juin 2006, Adam Brumm publie une étude des outils et fossiles d'animaux (Stegodon florensis) extraits du site de Mata Menge, dans l'ile de Flores (Indonésie). Les outils, datés de 840 000 à 700 000 ans montrent une continuité de technologie avec ceux découverts à Liang Bua, 50 km à l'ouest et 700 000 ans plus tard. Ceci invalide l'interprétation selon laquelle les outils de Liang Bua aurait été produits par des Homo sapiens (Brumm, 2006). Cette étude complète les premières découvertes faites par Mike Morwood une dizaine d'années plus tôt sur le même site et qui l'avait conduit à poursuivre ses recherches sur Flores (Morwood, 1998).

Dans un article longuement attendu, Teuku Jacob accompagné de nombreux auteurs dont Soejono, Eckhart et Henneberg défend l'idée que l'holotype LB1 est un Homo sapiens anormal (Jacob, 2006). Un certain nombre d'arguments anatomiques sont invoqués: le fossile n'a pas de menton, mais son absence ne peut pas prouver que ce n'est pas un Homo sapiens, le fossile entre dans la fourchette de variation d'un Homo sapiens et ressemble aux populations mélanésiennes. Les populations présentes sur Flores pourraient présenter un début d'évolution vers un nanisme insulaire. L'article est de piètre qualité et utilise des procédés discutables comme le montage photographique qui suit pour emporter l'assentiment.

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A gauche, le crâne de LB1, au centre, le côté droit doublé par symétrie verticale, à droite, le côté gauche doublé par symétrie verticale, © 2006, National Academy of Sciences (Jacob, 2006).

Un poignet de Chimpanzé
En 2007, le poignet est analysé par Matthew Tocheri (Tocheri, 2007) qui conclut à un état primitif antérieur à l'état dérivé acquis par Homo sapiens et Homo neanderthalensis (la comparaison n'a malheureusement pas pu être faite avec Homo erectus pour lequel on ne dispose pas de poignet fossile).

Homo floresiensis grimpait aux arbres
En 2009, Bill Jungers réassemble les os du pied qu'il interprète comme le pied d'un hominidé grimpant aux arbres compte tenu de sa grande longueur relative (Jungers, 2009).

Une publication de trop ?
En 2012 Maciej Henneberg réexamine les caractéristiques de LB1 et les trouve compatibles avec le syndrome de Down.

Mise à jour et questions toujours sans réponse


Les trois noms proposés en 2004 par les découvreurs correspondent à trois hypothèses dont deux sont toujours envisageables (Chris Stringer, 2014): Des os et des dents attribués à une nouvelle espèce Homo luzonensis ont étés découverts en 2019 à Callao dans l'ile de Luzon (Philippines) . L'espèce partagerait des caractéristiques communes avec floresiensis, en particulier une petite taille, mais présenterait aussi des différences qui en feraient une population distincte; les données sont encore insuffisantes pour être plus précis (Florent Détroit, 2022).

Notes

1. Le terme habituel "Homme de Flores" est la traduction en français d'Homo floresiensis ( il faut donc l'écrire avec une majuscule). S'il désigne le fossile LB1 représentant l'holotype de cette espèce, il semble bien que l'individu soit une femme (d'après la forme du pelvis).

Références

Callaway E.. 2014. Tales of the hobbit. Nature 514: 422-426 (pdf, 3,3Mo).
Le récit de la découverte de LB1.

Bensimon Corrine. 2004. Homo floresiensis, tempête sur un crâne. Libération, 10 décembre 2004.
"L'enlèvement" de la femme de Flores.

 Brown P. et al. 2004. A new small-bodied hominin from the Late Pleistocene of Flores, Indonesia. Nature, 431 : 1012-1017..

() Brumm Adam et al.. 2006. Early stone technology on Flores and its implications for Homo floresiensis. Nature 441 : 624-628. doi:10.1038/nature04618.

() Florent Détroit et Pierre Gousset. 2022. Homo luzonensis: principales caractéristiques et hypothèses phylogénétiques. Planet vie .

 Falk D. et al. 2005. The Brain of LB1, Homo floresiensis. Science, 308 : 242-245. DOI: 10.1126/science.1109727

 Henneberg M. et al.. 2014. Evolved developmental homeostasis disturbed in LB1 from Flores, Indonesia, denotes Down syndrome and not diagnostic traits of the invalid species Homo floresiensis. PNAS vol. vol. 111 no. 33, 11967–11972. DOI: 10.1073/pnas.1407382111

 Jacob T. et al.. 2006. Pygmoid Australomelanesian Homo sapiens skeletal remains from Liang Bua, Flores: Population affinities and pathological abnormalities. PNAS vol. 103 no. 36, 13421-13426. DOI: 10.1073/pnas.0605563103

Jungers W. L. et al. 2009. The foot of Homo floresiensis. Nature, 459 : 81-84.

 Mirazón Lahr & Foley R. 2004. Palaeoanthropology: Human evolution writ small. Nature 431: 1043–1044.

 Morwood M. J. et al.. 1998. Fission track age of stone tools and fossils on the east Indonesian island of Flores. Nature, 392. 173-176.
Découverte d'outils daté de 800 000 à 880 000 ans à Mata Menge
 Morwood M. J. et al. 2004. Archaeology and age of a new hominin from Flores in eastern Indonesia. Nature, 431. 1087-1091.
 Morwood M. et al.. 2005. Further evidence for small-bodied hominins from the late Pleistocene of Flores, Indonesia. Nature, 437: 1055-1061. DOI: 10.1038/nature04022

Powledge Tabitha. 2006. What Is the Hobbit? PLoS Biol 4(12): e440. DOI: 10.1371/journal.pbio.0040440

) Sutikna T.. 2016. Revised stratigraphy and chronology for Homo floresiensis at Liang Bua in Indonesia. Nature 532: 366-369. doi: 10.1038/nature17179

Stringer Chris. 2012. Survivants Pourquoi nous sommes les seuls humains sur Terre. Gallimard, Paris: pp126-127. (Lone Survivors. How We came to be the only Humans on Earth. Time Books, New York).
 Stringer C.. 2014. Small remains still pose big problems. Nature, 514: 427-429. pdf, 1,5Mo.

 Tocheri M.. 2007. The Primitive Wrist of Homo floresiensis and its Implications for Hominin Evolution. Science 317 : 1743-1745. DOI:

Bibliographie

↑ Holly Chetan-Welsh and Lisa Hendry. Homo floresiensis: the real-life "hobbit" ? Natural History Museum (London).

↑ Homo floresiensis. humanorigins.si.edu.

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