sur le même site :
Iconographie de La double Hélice
Mendel était-il mendélien ?
L'Affaire Lyssenko
Brave New World
  1. Honest Jim
  2. La véritable histoire de la découverte de la structure de l'ADN
  3. Iconographie de la double hélice
  4. Epilogue
  5. Références

«Dans les sciences, le chemin est plus important que le but. Les sciences n'ont pas de fin.»
Erwin Chargaff, Le feu d'Héraclite: scènes d'une vie devant la nature

La double hélice est le titre d'une autobiographie de James D. Watson relatant l'histoire de la "découverte" (ou plutôt de l'élucidation) de la structure de la molécule d'ADN (Watson, 1968). Ecrit dans un style alerte et facile à lire, presque comme un roman policier, le livre de Watson désacralise la recherche scientifique en décrivant un monde d'hommes engagés dans une compétition généralisée interrompue seulement par des aventures avec des jeunes filles au pair (en français dans le texte) et des parties de tennis passionnées.

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Honest Jim 


L'idée d'écrire un récit vient assez tôt à l'esprit de James Watson, même s'il aura du mal à se mettre à la tâche. Son but n'est pas d'écrire un ouvrage d'histoire des sciences mais une autobiographie centrée sur cette période. L'exercice est nouveau (1) et bouscule toutes les conventions de l'époque, dans une société encore très conformiste, mais ce n'est pas un hasard si l'ouvrage parait en 1968, l'année de "tous les possibles". Une première version dont le titre est Honest Jim (2) est communiquée pour lecture avant publication à ses anciens collègues.

Un Jim (James Watson) pas si honnête
Le court titre initial en dit long sur l'ego démesuré de James Watson: dans l'ouvrage, aucun des protagonistes de Watson n'est présenté à son avantage et Watson y figure comme le dilettante honnête plongé dans un panier de crabes. Les cinq personnages clés sont théâtralement mis en scène dès les deux premiers chapitres, tous sauf un, Watson lui même (3). L'oeil acerbe de Watson trace des autres des portraits caricaturaux:

Francis Crick: «un touche à tout parlant trop et trop fort, que la modestie n'a jamais étouffé, peu apprécié par ses collègues et particulier de son chef de laboratoire, Lawrence Bragg»; un étourdit plongé dans ses théories qui laissait déborder les éviers de son laboratoire [Watson ne pointe pas qu'à trente ans passés, Crick n'avait toujours pas obtenu son doctorat, non par incompétence, mais par dispersion et que ce point le rend dépendant de ses supérieurs hiérarchiques].

Complication majeure, Crick n'a jamais travaillé sur l'ADN et cette molécule était, en Angleterre, le domaine réservé de Maurice Wilkins. Et Watson de noter: Wilkins, n'est pas «assez aventureux pour avancer sur un sujet aussi explosif que l'ADN et est obsédé par sa nouvelle assistante

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Rosalind Franklin, Paris, 1950 (photographie de Vittorio Luzzati).

Pour sa biographe Anne Sayre (Sayre, 1975) les quatre années passées à Paris par Franklin sont les plus heureuses de sa vie. A Paris, dans le labo de Jacques Mering, il est de tradition de servir le café dans des creusets. Une décontraction inimaginable au King's College de Londres où le salon des enseignants chercheurs est interdit aux femmes.
La nouvelle "assistante", c'est Rosalind Franklin. Après quelques considérations sur le fait que Franklin ne se maquille pas et que ses tenues vestimentaires manquent d'imagination (des commentaires de nature à hérisser toute féministe...), Watson écrit: «Rosy (4) doit partir ou être remise en place (...) on ne peut pas s'empêcher de penser que la meilleure place pour une féministe est dans un autre laboratoire [que celui de Wilkins]».

Watson explique que Wilkins attendait un·e crystallographe maitrisant davantage l'expérimentation que lui, et qui l'aiderait dans son travail, mais que Franklin compte (à tord) mener la recherche pour son propre compte; hors cette mise en situation est complètement fausse: le supérieur hiérarchique de Franklin au King's Collège est John Randal et non Wilkins: Franklin peut réellement prétendre être l'égale de ce dernier (au moins sur le papier) et même un peu plus. Franklin n'est en aucun cas l'assistante de Wilkins.

Le dernier personnage qui «empêche Wilkins de dormir» est Linus Pauling; il a sollicité Wilkins pour obtenir communication des derniers clichés cristallographiques d'ADN que ce dernier possède; on sent que Watson éprouve crainte et respect pour «le plus grand des chimistes»; heureusement pour Wilkins (et pour Watson), «Pauling réside à six millions de miles.»

Un récit controversé
C'est peu dire que la première version du texte suscite la réprobation de ses collègues au premier rang desquels Francis Crick et Maurice Wilkins qui souhaitent empêcher la publication. La seconde version trouve à peine plus de grâce aux yeux de Francis Crick qui qualifie l'ouvrage de commérage :

«Science is not done merely by gossiping with other scientists, let alone by quarrelling with them. The most important requirements in theoretical work are a combination of accurate thinking and imaginative ideas. To understand these they must be described at the intellectual level involved. I conceed that the idea that scientific work is impersonal is ridiculous, but you have gone much too far in the other direction in trying to correct this misconception.» La science ne se fait pas simplement par des commérages avec d'autres scientifiques, voir en se querellant avec eux. Les exigences les plus importantes dans le travail théorique sont la combinaison de la précision de la pensée et d'idées imaginatives. Pour comprendre les phénomènes, ils doivent être décrits au niveau impliqué. Je concède que l'idée que le travail scientifique est impersonnel est ridicule, mais vous êtes allé beaucoup trop loin de l'autre côté en essayant de corriger cette idée fausse.

Watson défend son point de vue dans la préface:

«As I hope this book will show, science seldom proceeds in the straightforward logical manner imagined by outsiders. Instead, its steps forward (and sometimes backward) are often very human events in which personalities and cultural traditions play major roles. To this end I have attempted to re-create my first impressions of the relevant events and personalities rather than present an assessment which takes into account the many facts I have learned since the structure was found. Although the latter approach might be more objective, it would fail to convey the spirit of an adventure characterized both by youthful arrogance and by the belief that the truth, once found, would be simple as well as pretty.» La science, comme le montrera, je l'espère, cet ouvrage, procède rarement de la manière logique que lui prêtent les profanes. Au contraire, sa marche en avant (ou parfois en arrière) est faite d'événements très humains dans lesquels les personnalités et les traditions culturelles jouent un rôle majeur. Dans ce but j'ai tenté de retrouver mes premières impressions des principaux faits et personnages plutôt que de rédiger un constat relatant tout ce que j'ai appris depuis la découverte de la structure. Bien que cette deuxième approche puisse être plus objective, elle ne communiquerait pas au lecteur l'esprit d'une aventure, marquée à la fois par une juvénile arrogance et la croyance que la vérité, une fois trouvée, serait aussi simple que belle.

Outre le fait que Watson était probablement incapable d'écrire un ouvrage d'historien, son choix est intéressant à condition que lecteur soit capable de prendre ce texte pour ce qu'il est est. Mais comme le souligne Francis Crick (Francis Crick, 1967), la probabilité qu'il en soit différemment est immense. Et les simples lecteurs ne sont pas les seuls concernés: il suffit de comparer le sous titre français de l'ouvrage: Comment un jeune savant de 25 ans, en découvrant la structure de l'ADN, a donné au monde le secret de la vie avec le titre original: A personal Account of the Discovery of the Structure of DNA (Compte-rendu personnel de la découverte de la structure de l'ADN) pour percevoir l'ampleur du problème !

Honest Jim est modifié en The double Hélix (La double Hélice et le texte s'enrichit d'un épilogue (figurait-il déjà dans la première version ? j'en doute) dans lequel Watson invite les scientifiques mis en scène à exprimer leurs différences de perception. Cet épilogue sonne aussi comme un hommage posthume à Rosalind Francklin, qui elle, ne pouvait répondre.

«Since my initial impressions of her, both scientific and personal (as recorded in the early pages of this book), were often wrong, I want to say something here about her achievements. The X-ray work she did at King's is increasingly regarded as superb. The sorting out of the A and B forms, by itself, would have made her reputation; even better was her 1952 demonstration, using Patterson superposition methods, that the phosphate groups must be on the outside of the DNA molecule.

(...) By then all traces of our early bickering were forgotten, and we both came to appreciate greatly her personal honesty and generosity, realizing years too late the struggles that the intelligent woman faces to be accepted by a scientific world which often regards women as mere diversions from serious thinking.»
Etant donné que mes impressions initiales, scientifiques et personnelles (comme l'indiquent les premières pages de ce livre) étaient souvent erronées, je voudrais dire quelque chose à propos de ses réalisations. Le travail aux rayons X qu'elle [Rosalind Flanklin] a fait à King's est de plus en plus considéré comme superbe. Le tri des formes A et B, aurait assuré à lui seul sa réputation; encore meilleure était sa démonstration de 1952, qui en utilisant la méthode de superposition de Patterson, montrait que les groupes phosphate doivent être à l'extérieur de la molécule d'ADN.

(...) A ce moment-là, toutes les traces de nos premières querelles étaient oubliées, et nous avons tous deux énormément apprécié son honnêteté et sa générosité, réalisant des années trop tard les luttes auxquelles la femme intelligente qu'elle était avait à faire face pour être acceptée par un monde scientifique qui considérait souvent les femmes comme de simples diversions dans le cours d'un travail plus sérieux.

Crick aura beau jeu de souligner que «Le ton utilisé pour décrire le travail de Franklin dans l'épilogue contraste ridiculement avec les descriptions qui en sont données dans les paragraphes qui précèdent», mais Watson s'est défendu par avance en expliquant qu'il s'est trompé à son égard. De plus bien que Rosy apparaisse dans le texte sous les traits d'une harpie plus que sous ceux d'une femme désirable ou d'une scientifique brillante, elle est quand même omniprésente dans le livre, ce qui confirme son rôle essentiel.

L'appel de Watson dans l'épilogue aux contributions extérieures n'a (évidemment) pas été suivi d'effet (5), et il nous manquerait de toute façon la vision la plus précieuse, celle de Rosalind Franklin.

Cependant l'un des acteurs "secondaires" de l'histoire (secondaire dans la relation que fait Watson, mais non dans sa contribution à la découverte) peut nous donner l'occasion d'une petite comparaison. Il s'agit d'Erwin Chargaff. Chargaff est un scientifique atypique, comme Watson et comme Crick, mais pour des raisons très différentes (6). A l'égal de Rosalind Franklin, le gratifier du prix Nobel pour sa contribution à la découverte de la structure de l'ADN n'aurait pas été déplacé. Chargaff avait découvert, sans pouvoir en proposer une explication probable, que la fréquence des 4 bases présentes dans l'ADN variait d'une espèce à l'autre, mais que le nombre de molécules d'adénine était toujours proche de celui du nombre de molécule de thymine,et que l'on constatait la même équivalence ente guanine et cytosine (Chargaff, 1950) et ci dessous.

Francis Crick avait déjà discuté avec le jeune chimiste John Stanley Griffith (le neveu de Frederic Griffith, voir plus loin) des possibilités d'appariement entre bases, mais c'était dans le contexte de discussions théoriques sur la réplication de l'ADN et d'autres hypothèses que l'appariement des bases pouvaient expliquer le résultat comme des contraintes liées au contrôle de la synthèse des protéines par l'ADN -on parlerait aujourd'hui de la transcription et de la traduction- (James Watson, 1968, chapitre 18: 104; les numéros de page cités sont ceux de l'édition anglaise en format de poche parue chez Penguin Books en 1970).

Fin mai 1952 Erwin Chargaff était dans un cycle de conférences en Europe, mais Crick avait oublié depuis longtemps le détail de ses discussions avec Griffith.

« il [Chargaff] s'est rendu compte qu'il était sur le point d'écouter un idiot. (...) Son intuition s'est trouvée renforcée en me voyant. Il s'est immédiatement moqué de mes cheveux et de mon accent, car venant de Chicago je ne pouvais faire autrement. (...) Le mépris de Chargaff a atteint son point culminnant lorsque Francis [Crick] à du admettre qu'il ne se souvenait pas des différences chimiques entre les quatre bases. Le faux pas (en français dans le texte) a dépassé tout contrôle lorsque Francis a mentionné les calculs de Griffith. Ne se souvenant quelle base avait des groupes amine, il ne pouvait qualitativement décrire l'argumentation précise (...) plus rien ne pouvait convaincre Chargaff que nous savions où nous allions ou comment y arriver. Mais indépendamment de ce qui pouvait traverser l'esprit sarcastique de Chargaff, quelqu'un devait expliquer ses résultats.» «A cette occasion, il [John Kendrew] m'a demandé de m'entretenir avec deux personnes qui étudiaient les acides nucléiques au laboratoire Cavendish. (...)

Si j'ai bien compris, ces deux-là, nullement encombrés des connaissances nécessaires en chimie, voulaient représenter l'ADN sous forme d'une double hélice. La raison principale semblait être le modèle alpha-hélice de protéine élaboré par Pauling, il était en effet concevable d'étendre ce principe de structure à d'autres chaines de macromolécules.

J'avais conscience de me trouver devant quelque chose de tout à fait nouveau: une ambition et une agressivité démesurées associées à une ignorance quasi totale de la chimie et à un profond mépris de cette science (...) Je leur ai dit tout ce que je savais. S'ils avaient déjà entendu parler des règles d'appariement, ils l'ont bien caché. Mais comme ils ne semblaient pas savoir grand-chose sur quoi que ce soit, cela ne m'a guère étonné. J'ai parlé de nos premières tentatives pour expliquer les rapports de complémentarité en prenant pour hypothèse que dans les chaines d'acide nucléique, l'adénine se trouvait toujours à côté de la thymine, la cytosine à côté de la guanine. Cependant nous avions nous-mêmes réfuté cette hypothèse en découvrant que la dégradation progressive par les enzymes correspondait à un schéma totalement apériodique ; en effet, si la chaine d'acide nucléique se composait de dinucléotides A-T et G-C (7), les constantes auraient dû être conservées.»

Les deux comptes-rendus sont plutôt concordants. Manifestement Watson et Crick n'ont pas tiré grand chose de la rencontre. Comme le soulignera Chargaff (Chargaff, 1968), le livre de Watson est à peu près franc sur les événements.

mais paradoxalement la première reconnaissance de l'importance historique des recherches de Franklin
C'est la première fois que les faits concernant la communication des travaux de Franklin à Watson et Crick sont présentés et que leur importance dans l'élaboration du modèle gagnant est avouée.

Le chapitre 23 explique de manière assez ingénue comment Watson essaie de provoquer Franklin en discutant avec elle du modèle de Pauling pour en obtenir des données, comment il échoue, mais aussi comment l'incident abouti à ce que Wilkins lui communique la photographie B51, celle qui paraitra dans le numéro 171 de Nature (Franklin, 1953). Savoir si Wilkins l'a volé dans le bureau de Franklin, ou si elle lui a été remise par Gosling après que Franklin ait annoncé son départ pour Birkbeck College, est une question de détail (James Watson, 1968, chapitre 23: 132).

Le chapitre 25 évoque un point tout aussi essentiel, la communication par Perutz d'un rapport d'évaluation que ni Francis Crick, ni Watson n'auraient du connaitre:

«Rosy, of course, did not directly give us her data. For that matter, no one at King's realized they were in our hands. We came upon them because of Max's membership on a committee appointed by the Medical Research Council to look into the research activities of Randall's lab. Since Randall wished to convince the outside committee that he had a productive research group, he had instructed his people to draw up a comprehensive summary of their accomplishments. (...) As soon as Max saw the sections by Rosy and Maurice, he brought the report in to Francis and me. Quickly scanning its contents, Francis sensed with relief that following my return from King's I had correctly reported to him the essential features of the B pattern. Thus only minor modifications were necessary in our backbone configuration.» Rosy, bien sûr, ne nous a pas directement donné ses données. D'ailleurs, personne au King's College n'a réalisé qu'elles étaient entre nos mains. Nous les avons obtenues à cause de l'a participation de Max [Perutz] à un comité nommé par le Conseil de recherche médicale pour étudier les activités de recherche du laboratoire de Randall. Comme Randall voulait convaincre le comité extérieur qu'il avait un groupe de recherche productif, il avait chargé ses chercheurs d'établir un résumé complet de leurs travaux. (...) Dès que Max a vu les sections rédigées par Rosy et Maurice, il a apporté le rapport à Francis et moi. En scrutant rapidement son contenu, Francis sentit avec soulagement qu'après mon retour de King's, je lui avais correctement rapporté les caractéristiques essentielles de la forme B. Ainsi, seules des modifications mineures de notre squelette ont été nécessaires.»

Dishonest Jim
La plupart des faits cités par Watson dans La double Hélice sont probablement exacts, comme écrit plus haut, mais ils sont bien trop incomplets pour retracer le cheminement intellectuel de tous les acteurs (et celui de Watson ne peut qu'être à son avantage).

Watson s'est toujours bien mieux entendu avec Wilkins qu'avec Franklin, en conséquence sa vision est biaisée dès le début du récit. Anne Sayne, amie de Franklin, depuis leur rencontre à Paris, choquée par la caricature qu'en fait Watson, publie un premier livre en défense (Sayre, 1975). Mais c'est surtout lors du cinquantenaire de la découverte en 2003 q'une multitude de livres et d'articles sont publiés. Brenda Maddox (Maddox, 2003) dépasse le problème du machisme ambiant des années 50 (au King's College ou ailleurs) en mettant en évidence les difficultés créés par la concurrence entre équipes de recherche. Aaron Klug qui arrive au Birkbeck College de Londres presque en même temps que Franklin en 1953, et travaillera ensuite avec elle, a écrit la synthèse la plus lumineuse sur le sujet (Klug, 2004). Il y explique au mieux les données scientifiques qui permettent aux non spécialistes de comprendre certains aspects de la cristallographie aux rayons X, retrace le cheminement de la pensée de Franklin et met en exergue les revirements des directeurs de laboratoire comme Max Perutz et Randal, décisions dont les implications sont considérables mais totalement occultées dans le récit de La double Hélice.

En 2012 est publiée une édition annotée de la double hélice (The Annotated and Illustrated Double Helix), qui reprend une partie des documents cités dans les ouvrages précédents et corrige quelque peu le récit de Watson.

Notes

1. Il est sans doute difficile, aujourd'hui (à l'époque de la télé-réalité et de la publication en temps réel de photographies et de vidéos sur les "réseaux sociaux") de prendre conscience de la nouveauté de l'approche utilisée en 1968 par James Watson.

2. Ce surnom lui aurait été donné par de ses amis scientifiques. Il ferait aussi écho à Lucky Jim, une comédie de Kingsley Amis, dans laquelle un jeune étudiant se rebelle contre le conformisme ambiant (Maddox, 2002: 315).

3. Outre l'unique ligne que Francis Crick écrit sur Watson en 1974 dans un article de la revue Nature (lire la note 5 ci-dessous), on peut se référer à un portrait dressé par François Jacob: «en short, le bas de ses chemises flottant dans l'air, les chaussettes lui tombant sur les chevilles (...) les yeux toujours bombés, la bouche toujours ouverte (...) Inimitable aussi dans sa manière d'entrer dans une pièce, pointant la tête comme un coq à la recherche de la plus belle poule, pour localiser le scientifique le plus important présent et se placer à son côté. Un mélange surprenant de maladresse et de perspicacité. De l'enfantillage dans les choses de la vie et de la maturité dans celles de la science. (2012. The Double Helix annotated edition: p354).

4. Un diminutif que Franklin n'aimait pas, mais utilisé constamment dans le récit, visiblement dans le but de la placer en dessous des autres protagonistes.

5. L'article de Francis Crick publié 6 ans plus tard dans la revue Nature (Crick, 1974) n'est pas une réponse à La double Hélice mais un commentaire, cette fois 21 ans plus tard, des publications présentes dans le numéro 171 de la revue Nature y compris celles de Franklin et de Wilkins. Crick y explique cependant, avec un humour très anglais, que dans l'écriture d'une éventuelle réponse à Watson, il n'a jamais été au delà du titre: La vis desserée et de la première phrase «Jim était très maladroit de ses mains...».

La première analyse critique de La double hélice est due à Erwin Chargaff et date de 1968 (voir la bibliographie en bas de page), mais il ne faisait pas partie des cinq protagonistes directement liés à l'aventure.

6. En 1978 Erwin Chargaff écrit Heraclitean Fire, une autobiographie et un pamphlet contre les développements de la biologie moléculaire (Chargaff, 1978). Anti-réductionniste, il a toujours estimé que la connaissance humaine ne pouvait se mesurer à la complexité de la nature et que c'était une erreur de se représenter le monde comme une machine.

7. Les liaisons entre dinucléotides sont des liaisons faibles et non des liaisons covalentes, ce qui explique probablement l'erreur de Chargaff.

La véritable histoire de la découverte de la structure de l'ADN 

vers 1910: l'ADN

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Représentation d'un tétranucléotide, Crédit Wikimedia, modifié, © Creative commons.
Phoebus Levene identifie différents acides nucléiques dont l'ADN et en détermine les composants; le nucléotide est une sous-unité de l'ADN formé d'une base azotée (il en existe 4 souvent identifiées par l'initiale de leur nom: A, T, C, G), du désoxyribose et d'un groupement phosphate.

En 1910, Levene formule l'hypothèse du tétranucléotide: les nucléotides s'assemblent par 4 et un tétranucléotide contient une base de chaque type.

1940: la génétique russe assassinée

En 1927 Nikolay Konstantinovich Koltsov, directeur de l'Institut de biologie expérimentale de Moscou, imagine que les traits héréditaires sont transmis par une protéine géante formée de «deux brins qui se recopient de manière semi-conservative en utilisant chaque brin comme modèle» (cf Kizilova). Koltsov, accusé de défendre une génétique "bourgeoise", en opposition aux idées de Lyssenko, est empoisonné en 1940 par la police secrète de l'URSS. Ni Watson, ni Crick n'entendront jamais parler de lui.

1928 > 1941: la transformation des Pneumocoques

En 1928, Frederic Griffith utilise deux souches de Pneumocoques (une espèce de bactérie) l'une à coque (souche 3S) qui provoque la mort de Souris par pneumonie et l'autre sans coque (souche 2R pour rough) contre laquelle les souris peuvent se défendre et survive. Griffith injecte à une souris des débris de pneumocoques 3S tués par la chaleur; seuls, ils ne provoquent pas la mort des souris. Si on injecte simultanément des pneumocoques 2R, les souris meurent. Plus étonnant on peut récupérer dans le sang des souris des pneumocoques 2R identiques à ceux injectés, mais aussi des pneumocoques 3S vivants. Griffith en déduit que les débris inertes injectés contiennent un principe capable de transformer la souche 2R en souche 3S.

Colin MacLeod, Maclyn McCarty essaient successivement de purifier le facteur transformant; C'est finalement Oswald Avery qui en 1941 identifie l'ADN, l'extrait actif étant détruit par un enzyme, la deoxyribonucleodepolymerase.

Si aujourd'hui on peut voir l'expérience de Griffith comme un précurseur des technologies d'ingénierie génétique aboutissant entre autres aux OGM, elle est trop isolée, trop en avance sur son temps pour convaincre la communauté scientifique, d'autant qu'on ne parvient pas à généraliser le phénomène de transformation à d'autres espèces bactériennes.

1941: Un gène > un enzyme

En croisant des souches mutées de la moisissure Neurospora, George Beadle et Edward Tatum montrent que les gènes contrôlent la présence ou l'absence d'enzymes responsables des réactions métaboliques, et que la relation est univoque, ce qui est résumé dans la formule "un gène, un enzyme" (Ces expériences avaient été précédées par un travail sur la Drosophile mené par Boris Ephrussi et George Beadle dans les années 30). Ces expériences sont considérées comme fondatrices de la biologie moléculaire, mais on généralisera très vite la formule qui devient "un gène, une protéine". Malgré cette généralisation, au début des années 50, beaucoup pensent (à juste titre) que la formulation est une simplification excessive.

1948: la structure en α-helice des protéines

Dès les années 30, William Asturby, en utilisant la diffraction aux rayons X pour étudier la structure des protéines avait montré que la chaine d'acides aminés s'enroule très fréquement sous la forme d'une hélice. En 1948,Linus Pauling, après avoir travaillé sur des modèles en papier pendant quelques jours où il était alité propose la structure de l'hélice α qu'il contribuera à confirmer plus tard (Pauling, Corey, Branson, 1951).

1950: A + C = T + G; A = T, C = G

Erwin Chargaff est, avant James Watson, un des scientifiques marquant un grand intérêt pour l'ADN. Vers 1950, Chargaff montre par des analyses chimiques que la fréquence des 4 bases présentes dans l'ADN variait d'une espèce à l'autre, mais que le nombre de molécules d'adénine était toujours proche de celui du nombre de molécule de thymine, et que l'on constatait la même équivalence ente guanine et cytosine (Chargaff, 1950).

Ces résultats réfutent l'hypothèse des tétranucéotides de Levene; Chargaff envisage une explication par un assemblage en dinucléotides A-T et G-C, mais élimine finalement cette nouvelle hypothèse sur la base de tests chimiques (une erreur lourde de conséquences pour Chargaff !) Chargaff, 1978 (2006, : 165-169)

L'année 1951

Maurice Wilkins travaille au MRC (Medical Research Council) du King's College de Londres; le MRC a été créé et est dirigé par John Randall; en 1950, Wilkins a obtenu avec Ray Gosling, un étudiant dont il dirige la thèse, quelques photographies remarquables obtenues par diffraction aux rayons X sur des solutions visqueuses d'ADN (il présentera l'une de ces photographies en mai 1951 lors de la conférence de Naples à laquelle assiste Watson).

Franklin débarque (et revient) en Angleterre
Rosalind Franklin a appris les techniques de diffraction aux rayons X à Paris. Son travail est remarqué par John Randall qui propose à Franklin de venir travailler à Londres; une opportunité pour Franklin, même si elle se plait beaucoup à Paris et est "amoureuse de la France" (7). Dans l'esprit de Randall, elle doit remplacer Wilkins qui se concentrerait alors sur l'étude des protéines. Une donnée cruciale pour la suite de l'histoire est énoncée dans la lettre de Randal à Franklin du 4 décembre 1950 (Randal, 1950) et confirmée par le fait que Ray Gosling passe sous la direction de Franklin. Absent du récit de Watson, ce point est révélé par Sayre (Sayre, 1975) et repris dans le livre de Brenda Maddox (Maddox, 2003).

Contrairement à ce que pensait Randal, Wilkins ne souhaite pas abandonner l'étude de l'ADN à Franklin qui le lui a pourtant demandé (dans la continuité du contrat informel passé avec Randal). Tout oppose leurs deux personnalités. Franklin est directe, passionnée et aime la confrontation; Wilkins est timide et préfère contourner les obstacles plutôt que de les affronter. Randal laisse l'ambiguïté se développer.

Watson débarque en Angleterre
Des cinq protagonistes de La double Hélice, Watson est celui qui manifeste le plus "d'espoir" dans l'ADN. Peut-être parce qu'il a fait sa thèse dans le "groupe du phage" (8), toujours est-il qu'il est totalement convaincu que le matériel héréditaire est l'ADN (contrairement à de nombreux scientifiques de l'époque). Après des études d'ornithologie, il s'est intéressé à la génétique et c'est dans ce domaine qu'il réalise sa thèse. Contrairement aux autres protagonistes de l'histoire il n'y aucune expérience approfondie en physique ou en chimie (Crick et Wilkins sont à l'origine, des physiciens; Franklin est une chimiste).

En Mai, Watson qui était en Europe (à Copenhague) en année post-doctorale, assiste à une conférence de Wilkins qui le convainc de l'intérêt de la technologie de la diffraction aux rayons X, mais Watson ne parvient pas à intéresser Wilkins.

Watson pense alors au laboratoire de Max Perutz à Cambridge où on travaille sur la cristallographie de l'hémoglobine. Après bien des difficultés pour persuader ses supérieurs américains de le laisser séjourner à Cambridge plutôt qu'à Copenhague, Watson parvient à ses fins tout en se trouvant sur un statut assez fragile.

C'est à l'automne qu'il rencontre Francis Crick. Francis Crick se révèle être un compagnon précieux pour Watson: bien qu'il soit censé terminer sa thèse sur l'exploitation mathématique des résultats de la cristallographie aux rayons X des protéines, l'esprit de Crick est suffisamment ouvert pour s'intéresser à l'ADN.

De leurs premières discussions nait un plan de travail qui consiste à reprendre la méthode de construction de modèles moléculaires dont s'est servi Pauling pour découvrir la structure en alpha hélice des protéines. Leur démarche, plus inductive que celle de Franklin, dépend de la bonne formulation du problème: "quelle est la structure de l'ADN" n'est évidemment pas une question opératoire, il leur faudrait être bien plus précis.

L'exploitation de photographies de diffraction aux rayons X est indispensable pour limiter les modèles possibles et éviter de partir sur de fausses pistes. Et des données de diffraction en faveur d'une structure en hélice réduisent opportunément les pistes à explorer.

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Diagramme tiré des notes de Rosalind Franklin pour la conférence donnée en novembre 1951
Représentation de deux doubles hélices d'ADN pour expliquer les figures de diffraction. Les traits verticaux représentent les chaines d'ADN (phosphate et désoxyribose) et les traits horizontaux les bases. Crédit Rosalind Franklin Paper's.
Déjà, des résultats pour Franklin
Dès sa première année à Londres, Franklin a considérablement fait avancer la connaissance sur l'ADN. En utilisant un nouveau tube à rayons X qu'elle a assemblé avec Gosling et en contrôlant l'humidité de la chambre photographique, elle identifie deux formes d'ADN que les expérimentateurs précédents confondaient et qu'elle nomme A (cristalline) et B. Elle envisage des "paquets" de 2 à 3 chaines de nucléotides enroulés en hélice, les groupes phosphate à l'extérieur (Klug, 2004: 7). On sait aujourd'hui que seule la forme B est présente chez les êtres vivants.

Un bilan intermédiaire est fait par Franklin dans une conférence qu'elle donne en novembre. Watson y est envoyé par Crick qui ne peut être présent sans mécontenter Wilkins. Watson écoute Franklin d'une oreille distraite; il est finalement incapable de mémoriser quoi que ce soit de l'exposé, en particulier le degré d'hydratation des formes d'ADN étudiées (Watson, 1968 chapitre 11 p65). La construction de modèles moléculaires n'a pas été évoquée; pire, au grand désespoir de Watson, ni Franklin, ni son assistance n'ont semblé envisager une issue rapide à cette recherche (Watson, 1968 chapitre 10 p62).

Le premier modèle de Watson et Crick fait fiasco
En décembre, malgré la faible moisson récoltée par Watson lors de la conférence de Franklin, Crick et Watson discutent des modèles possibles. L'enthousiasme de Crick les conduit à construire un modèle à 3 chaines qui est terminé en quelques jours puis présenté à Wilkins, accompagné par Franklin et Gosling. Les bases sont placées à l'extérieur et les groupes phosphate à l'intérieur, des liaisons faibles entre les chaines impliquent des ions Mg2+.

Selon Watson, Franklin se montre peu convaicue par la structure hélicoïdale (Watson, 1968 chapitre 13 p79), une affirmation contradictoire avec le contenu de la conférence donnée par Franklin un mois plus tôt). Le compte rendu de Gosling est d'une tonalité différente: «Franklin procède à une énumération systématique des faits qui démolissent le modèle». Gosling pointe surtout l'erreur plaçant les groupes phosphate à l'intérieur de la structure (The Double Helix annotated edition 2012, p340).

La sanction survient dans les jours qui suivent: Bragg demande à Crick et Watson de "laisser tomber l'ADN". Crick retourne à ses protéines et Watson s'intéresse au virus de la mosaïque du Tabac.

L'année 1952

Franklin décide de quitter le MRC
Franklin ne supporte plus la situation conflictuelle qui règne au MRC. Au mois de mars, sur un coup de tête (ou de déprime), elle envisage de retourner immédiatement à Paris, puis se ravise pour achever le compte rendu de ses travaux (correspondance avec Anne Sayre citée dans l'édition annotée: The Double Helix annotated edition 2012, p367). En juin son départ pour Birbeck Collège, dépendant de l'université laïque de Londres est finalisé, même si cette solution ne l'enthousiasme pas. Elle rendra public son départ en décembre. Randal lui impose de laisser ses données au MRC et d'abandonner la recherche sur l'ADN.

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ADN forme B, diffraction aux rayons X, mai 1952; connue comme photographie B51. Crédit Rosalind Franklin & Ray Gosling. Acta Crystallog. 1953, 6, 673, reproduite dans Nature 171: 740.

Des résultats contradictoires
Malgré l'ambiance détestable, Franklin poursuit son travail; en mai elle réalise avec Gosling un cliché de la forme B de l'ADN considéré aujourd'hui comme le plus beau jamais obtenu (photographie B51) et qui confirme de façon spectaculaire la structure hélicoïdale.

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Faire part de décès du modèle hélicoïdal de l'ADN (sous sa forme A, cristalline) adressé par Franklin à Wilkins le 18 juillet 1952, Crédit ?
Savoir s'il s'agit d'une blaque, d'une petite vengeance (Wilkins défendait avec constance le modèle hélicoïdal), ou si elle croit réellement au contenu scientifique énoncé (qui n'est associé, avec la précision habituelle de Franklin qu'à la forme cristalline) reste une question ouverte.
Mais d'autres données (on pense aujourd'hui qu'elles résultent d'erreurs de manipulation) l'incitent probablement, pendant un temps, à douter de la structure hélicoïdale de la forme A .
Croire à un modèle hélicoïdal ou non hélicoïdal n'a pas du tout le même enjeu pour Franklin et pour Watson. Pour Watson cela rend la stratégie de construction de modèles quasimment impossible; pour Franklin, cela ne change rien, il faut prendre le temps d'analyser les faits, qui doivent parler d'eux-mêmes.

Plus gênante est l'erreur stratégique de Franklin qui repousse à plus tard l'étude de la photographie B51. Pour Aaron Klug (Klug, 2004) ce choix est surtout une question de méthode: finir d'abord l'exploitation des clichés des formes A, d'autant que le travail sur l'ADN B hydraté était plutôt confié à Wilkins. Franklin n'est pas engagée dans la course à la gloire.

Et pendant ce temps là...
Officiellement, Watson et Crick restent loin de l'ADN, mais ils n'ont rien abandonné; en témoigne leur rencontre en mai avec Chargaff déjà présentée ci-dessus.

L'ombre de Pauling
Le bruit court qu'aux Etats-Unis Linus Pauling serait sur le point de découvrir la structure de l'ADN. Les notes de Pauling indiquent qu'il commence à travailler sur l'ADN en novembre; il ne lui faudra qu'un mois pour finaliser un modèle et quelques jours supplémentaires pour que les détails traversent l'atlantique.

L'année 1953

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Modèle d'ADN en forme de triple hélice, vue axiale. Crédit Linus Pauling & Robert Corey. 1953. A proposed Structure for the nucleic Acids. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America. 1953;39(2): : 92 .
Le modèle de Pauling
Le document présentant le modèle de Pauling parvient à Watson et Crick en janvier; c'est un modèle à 3 hélices avec les phosphates au centre. Watson pense à leur première tentative avortée de décembre 1951. Le soir Crick et Watson trinquent à l'erreur de Pauling.

Watson souhaite avoir l'avis de Franklin sur le modèle de Pauling. Il se déplace à Londres pour lui présenter l'information. Selon Watson, Franklin l'éconduit en critiquant aggressivement l'idée d'un modèle hélicoïdal (cette argumentation constitue décidément une idée fixe chez Watson); comme expliqué plus haut cet incident conduit à ce que Wilkins lui dévoile la photographie 51 que Watson s'efforce de mémoriser.

Contredisant Watson, le carnet de laboratoire de Franklin montre qu'elle a abandonné ses tentatives d'interpréter la forme A par un modèle non-hélicoïdal (seuls les grands scientifiques sont capables de changer d'avis) et note que les deux chaines constituant la forme A sont anti-parallèles (Klug, 2004, p15), mais l'analyse mathématique ne permet guère d'aller plus loin. Elle commence alors (seulement) l'analyse des données de la forme B et détermine en mars la position géométrique des deux chaines constitutives, avec les groupes phosphate à l'extérieur; elle ignore ce que font Watson et Crick (Klug, 2004, p16).


Comment Watson et Crick trouvent en quelques jours la solution d'un problème sur lequel d'autres (et eux-mêmes) avaient butté pendant des années
Janvier: Watson rencontre Lawrence Bragg et, mettant en avant le risque de laisser à Pauling la possibilité d'expérimenter seul de nouveaux modèles d'ADN, obtient le feu vert pour retravailler sur le sujet avec Crick. Watson démarre la construction de modèles à deux chaines mais en plaçant les bases à l'extérieur, ce qui ne produit rien de satisfaisant; il décide ensuite de placer les bases à l'intérieur (un choix que Franklin défendait depuis longtemps).

C'est en février 1953 que le rapport d'évaluation du MRC est donné à Crick par Perutz. Crick en tire l'angle de rotation des hélices et le fait qu'elles sont anti-parallèles, un crédit qui ne sera jamais donné à Franklin. Le 21 février 1953 le modèle élaboré par Watson place les bases face à face: A avec A, etc., les bases de chaque chaine étant liées à l'autre par les liaisons hydrogène (Watson, 1968 chapitre 25 p144); un modèle bancal.

Une aide décisive lui est apportée par Jerry Donohue qui lui suggère d'utiliser une autre configuration pour les bases; la forme keto déplace les atomes d'hydrogène et les liaisons que les bases peuvent avoir entre elles. C'est alors que Watson découvre qu'en appariant A et T d'une part et C et G d'autre part, on obtient deux dinucléotides de même encombrement, ce qui permet de construire une double hélice régulière. Qui plus est le modèle est cohérent avec les données de Chargaff ! Persuadé d'avoir trouvé la solution, Watson s'en explique à Crick et celui-ci annonce le soir même (28 février 1953), à tous les scientifiques présents au pub, que lui et Watson viennent de découvrir le "secret de la vie" (selon les termes de Watson). Le perfectionnement du modèle leur prendra quelques jours.

Wilkins vient voir leur modèle à la mi-mars et Franklin fin mars. Watson est surpris de l'acceptation immédiate de Franklin, mais il ne soupçonnait pas à quelle point celle-ci avait avancé de son côté.

Le chapitre 28 de La Double Hélice constitue un revirement dans l'attitude de Watson à l'égard de Franklin (même s'il prétend que c'est Franklin qui a changé): «her past uncompromising statements on the matter thus reflected first rate science, not the outspourings of a misguided feminist» (ses déclarations passées et sans ambigüité sur le sujet reflétaient une scientifique de premier ordre, et non les débordements d'une féministe mal avisée).

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Proposition pour la réplication de l'ADN (Lettre de Francis Crick à son fils Mickael, 15 mars 1953, tiré de The Annotated and Illustrated Double Helix, 2012 (voir aussi son fac-similé dans cette page et sa traduction en français).
Crick le visionnaire
Dans la lettre que Francis Crick écrit à son fils, il se félicite de la "beauté" de leur modèle, et explique que la séquence des bases des deux chaines constitue un code: «Now we believe that the DNA is a code (9). That is the order of the bases makes one gene different from another gene». La lettre contient aussi un schéma de ce que nous nommons aujourd'hui réplication.

L'essentiel des retombées de la découverte est dans cette lettre, bien plus que dans le premier article publié par Watson et Crick dans le numéro 171 de la revue Nature.

Deux articles sont publiés par Watson et Crick dans le numéro 171 de la revue Nature
Le plus frappant est la concision du premier (10) article. Il n'y a qu'un seul schéma (que j'analyse plus loin) et qui se situe plus comme un objet de communication que comme un objet de connaissance. Le contenu scientifique est dans le texte, réduit à son minimum.

Inhabituel est aussi le peu de références. Les auteurs citent le modèle de Pauling, mais c'est évidemment pour le critiquer et leur critique est directement inspirée de ce que leur a appris Franklin lorsqu'ils avaient construit un modèle du même type avec les phosphates à l'intérieur. Un article assez obscur de Furberg est cité alors qu'ils ont utilisé la photographie (B51) de Franklin pour placer des bases perpendiculairement à l'axe de l'hélice. La fin du texte indique que les données de cristallographie aux rayons X déjà publiées sont insuffisantes pour tester le modèle et renvoie aux résultats expérimentaux non publiés de Wilkins et Franklin qui ne reçoivent qu'une maigre ligne de remerciements. L'apport de Donohue est sous-estimé et plus encore celui de Chargaff.

Un petit paragraphe évoque un mécanisme de copie suggéré par la structure (sans donner la moindre piste pour ce mécanisme) et annonce un article complémentaire décrivant la structure plus en détail. Dans une lettre à la revue Nature publiée dix ans plus tard, Crick (Crick, 1974) expliquera que lui et Watson étaient en désaccord: Crick tenait à développer l'hypothèse de la copie semi-conservative alors que Watson craignait avant tout que le modèle soit érroné et voulait limiter le plus possible les spéculations (ce qui en dit long sur son manque d'assurance). Au final La description détaillée de la structure et d'un mécanisme possible de copie seront placés dans un deuxième article.

L'insuffisance de crédit donné à tous les autres intervenants de l'histoire a été unanimement reproché à Watson et Crick. Erwin Chargaff en a conçu un profond ressentiment (Chargaff, 1978). Dans cette affaire, Watson et Crick apparaissent comme des amateurs (géniaux), qui s'approprient un sujet d'étude que personne ne leur a confié, résolvent en quelques semaines un problème en utilisant des résultats que d'autres ont mis des mois, voir des années à acquérir, et en tirent toute la gloire. L'image la plus appropriée est celle du Coucou qui pond dans le nid des autres espèces qu'il parasite.

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Watson et Crick devant leur modèle; photographie par Antony Barrington Brown; © Science Photo Library.
Watson et Crick innovent aussi en ce qui concerne la médiatisation de la découverte. Ils vont faire preuve d'un art consommé de la communication que mettent en évidence au moins deux faits:

- l'unique illustration du premier article de Nature n'est pas vraiment un schéma scientifique (Francis Crick l'a fait tracer par sa femme, Odile, qui est graphiste); volontairement (?) dépouillé, il met en avant l'élégance du modèle, et deviendra rapidement l'icône de la découverte;

- la série de photographies de presse d'Antony Barrington Brown. La photographie la plus reproduite met en scène Watson et Crick posant à côté de leur modèle. Hors il s'agit d'une reconstitution (réalisée en mai ou juin 1953), et le modèle présenté comme "original" est en fait bien plus haut que celui sur lequel travaillait Watson (qui ne comprenait que quelques paires de bases); le modèle d'origine aurait tout simplement été ridicule sur la photographie de Barrington Brown (Soraya de Chadarevian. 2003); et dans la photographie de Barrington Brown, Crick joue le rôle du professeur.

Aucune des étapes évoquées dans La double Hélice n'aurait pu avoir lieu sans les découvertes qui l'ont précédé. L'élucidation de la structure de la molécule d'ADN, et c'est sans doute la première fois en biologie, n'est pas une découverte individuelle, mais une étape dans une succession d'événements qui vont s'étaler sur des dizaines d'années et à laquelle vont participer de nombreux scientifiques ou équipes de scientifiques; en attribuer les mérites à l'un (ou l'une) plus qu'à l'autre n'est qu'erreur et vanité.

Et après?
Franklin n'était guère impressionnée par le modèle de Watson et Crick, car même si elle admettait qu'il était probablement exact, bien des points restaient à confirmer. Wilkins mettra 8 ans à accumuler des données de diffraction supplémentaires.

La découverte ne prendra sens qu'avec les résultats des recherches qui vont suivre, ce que Klug exprime d'une autre façon en écrivant que la découverte sera considérée comme une découverte de chimie jusqu'à ce que l'expérience de Messelson et Stahl confirme, en 1958, le principe de la réplication semi- conservative.

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Schéma de la réplication, Frédéric Dardel. Structure et fonction des acides nucléiques. Université Paris Descartes.
De plus si les deux idées essentielles énoncées par Crick (le code et la réplication) sont suggérées par la structure, la réalité est bien plus complexe qu'initialement envisagé.

Le schéma de la replication de l'ADN qui figure dans La double hélice (Watson, 1968 chapitre 28 p165), pourtant publié 15 années après la découverte, est trop simpliste (et moins exact que le schéma qui illustrait la lettre de Crick à son fils, comme le montre l'explication ci-contre: la réplication est orientée et comme les deux brins sont anti-parallèles sa progression est plus rapide sur un brin que sur l'autre).

Et si Yanofsky met en évidence dès 1964 un exemple de colinéarité entre gène et protéine (la tryptophane synthétase d'E. coli), si le code génétique est complètement déterminé dans ans plus tard, c'est pour découvrir progressivement qu'au moins chez les Eucaryotes, la plus grande partie de l'ADN ne code pas de protéine (98% chez l'Homme)! Certaines séquences ont un rôle régulateur, mais bien d'autres gardent leur mystère (les résultats du projet ENCODE, qui explore les fonctions de l'ADN non codant sont encore très partiels et très discutés).

Il serait faux de croire que la découverte de la structure de l'ADN est à l'origine du développement de la biologie moléculaire. Si la biologie connait un âge d'or dans la seconde moitié du 20e siècle, c'est surtout grâce à l'apparition d'un grand nombre de technologies nouvelles telles que le marquage d'atomes ou de molécules. La diffraction aux rayons X appliquée aux macromolécules fait partie de ces nouveaux moyens d'investigation. Et l'élucidation de la structure de l'ADN est plutôt l'un des premiers acquis de ces technologies nouvelles que l'inverse.

Comme déjà expliqué plus haut, Franklin avait changé de sujet de recherche avant la construction par Watson et Crick de leur modèle final; elle meurt d'un cancer en 1958, à l'âge de 37 ans, quatre ans avant l'attribution du prix Nobel de médecine en 1962 à Watson, Crick et Wilkins. Elle est ignorée par tous les protagonistes lors de la remise du prix.

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Hommage à Rosalind Franklin par la société Google.
Ce n'est qu'à la publication de La double Hélice (15 ans après les faits), que son nom apparait. La vision biaisée de Watson est corrigée une première fois par le livre d'Anne Sayne (Sayre, 1975). Il faudra attendre encore 25 ans, pour que d'autres livres et une multitude d'articles publiés lors du cinquantenaire de la découverte rendent pleinement justice à Rosalind Franklin. Elle devient alors et l'héroïne spoliée et l'exemple mis en avant pour encourager les filles à faire des études scientifiques.

Le 25 juillet 2013, jour de son anniversaire, Google lui consacre un Google Doodle.

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Rosalind Franklin, 1950 (en vacances en Toscane, photographie de Vittorio Luzzati). From the personal collection of Jenifer Glynn.
En février 2019, l'agence spatiale européenne (ESA) à décidé de baptiser son futur rover martien "Rosalind Franklin"; espérons que cette marraine portera chance à la mission qui doit rechercher les traces d'une vie martienne.

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Schéma de la double hélice tracé par Odile Crick.
James Watson & Francis Crick. 1953. Molecular structure of nucleic acids; a structure for deoxyribose nucleic acid. Nature 171: 737.
Une icône
La seule illustration du premier article publié dans nature en 1953 est un schéma que Crick a commandé à sa femme Odile, graphiste.

Encore plus épuré et dépouillé que l'article lui-même, il s'explique peut-être par la prudence de Watson et Crick (ou leur manque d'assurance); ironiquement il aurait pu être tracé par Franklin qui avait déjà déduit de ses photographies par diffraction la totalité de son contenu scientifique: «les deux rubans symbolisent les deux chaînes de phosphate-sucre, et les barres horizontales les paires de bases tenant les chaines ensemble. La ligne verticale marque l'axe des fibres.» Les lettres représentant les bases ne sont pas présentes contrairement au schéma qui sera reproduit plus tard dans la Double Hélice (Watson, 1968 chapitre 27 p159).

C'est une oeuvre artistique, admirable si on la juge à son succès, plus qu'une oeuvre scientifique; bien mieux qu'un schéma accessible aux seuls spécialistes, elle met en avant l'élégance du modèle, deviendra le symbole iconique de cette découverte et constitue un élément clé de sa prise en compte par la société.

Notes

7. Pour toutes les biographes et amies de Rosalind Franklin, celle-ci s'était épanouie en France, malgré des conditions matérielles plus difficiles; elle avait pris ses distances avec le côté "bourgeois" de sa famille, préférant vivre uniquement de son propre (et modeste) salaire; elle pratiquait la cuisine française et suivait la mode parisienne.

8. Le groupe du phage (Phage Group) est un groupe informel de biologistes centré autour de Max Delbrück. Salvador Luria le directeur de thèse de Watson en fait partie; autour de 1943 il met en évidence avec Delbrück l'existence de gènes chez les bactéries. C'est dans ce groupe que se mettent au point les techniques qui fondent la biologie moléculaire (expérience de Hershey et Chase en 1952, de Meselson et Stahl en 1958). C'est Sydney Brenner qui, en 1961, avec Francis Crick et d'autres collaborateurs apporte des arguments décisifs en faveur d'une lecture du code génétique par triplet (3 nucléotides successifs) et met en évidence l'absence de recouvrement dans la lecture (L'expérimentation, d'une rare élégance, est basée sur l'étude chez le Phage de "croisements" de mutants caractérisés par l'addition ou la délétion d'un nucléotide. Une mutation de type délétion d'un nucléotide peut être compensée par une mutation de type addition d'un nucléotide, à condition que les mutations soient proches; il est possible d'obtenir des triples délétions ou des triples additions dépourvues de conséquences dans le phénotype).

9. Il est probable que Francis Crick se soit alors souvenu de l'essai d'Erwin Schrödinger, What is Life ? Dès le chapitre 2 de la Double Hélice, Watson indique que l'intérêt de Crick pour la biologie résulte de la lecture, en 1946, de ce livre (paru en 1944). Parmi de nombreuses considérations erronées ou inappropriées (en particulier la question de l'ordre et du désordre), Schrödinger, développe, dans une vision extraordinairement mécaniste, l'idée que le gène "doit" reposer sur un solide apériodique (une molécule géante) représentant l'organisme sous une forme codée.

Schrödinger pense que cette molécule est à le fois le code et le mécanisme de sa mise en oeuvre (chapitre 2, 12 p.71) et: «il n'est plus inconcevable que le code en miniature puisse se trouver en correspondance exacte avec un plan de développement très complexe et très élaboré et contenir en même temps les moyens de le mettre à exécution» (chapitre 5, 46 p.152).

On sait aujourd'hui que la molécule d'ADN constitue effectivement un code (c'est sa dimension linéaire) et qu'elle possède une seconde dimension (la double hélice) qui explique sa réplication (même si cette réplication est dépendante d'enzymes); deux propriétés qui deviennent une "évidence" pour Francis Crick une fois la structure découverte, mais qui n'ont en rien guidé l'élucidation de cette structure, basée sur les dimensions et la forme (révélée par les images de diffraction aux rayons X de Franklin) et le respect des contraintes dues aux liaisons chimiques (obtenues par la construction de modèles moléculaires). Le livre de Schrödinger est devenu à la mode dans les années 60 (au moment du décryptage du code génétique), mais son apport se limite à l'intuition du code et de la nécessité d'un support matériel du gène très stable physiquement. Contrairement à ce qu'imaginait Schrödinger, la traduction du code n'est pas contenue dans la molécule d'ADN et fait appel à une machinerie moléculaire extrêmement complexe, basée sur des ARN très particuliers (ribosomes et ARNt) au point qu'il existe un saut considérable entre un organisme vivant et le monde inanimé des substances chimiques. Ce livre, souvent cité par des physiciens n'a en fait en rien contribué à l'histoire de la biologie et l'origine de la vie reste une énigme.

10. L'ordre des articles dans le volume 171 de la revue Nature implique un déroulement du raisonnement. De ce fait, le travail de Franklin et Gosling y apparait comme une validation des hypothèses de Watson et Crick alors que ce sont des données recueillies bien avant la construction du modèle; et comme le modèle est en partie construit à partir de ces données, elles ne peuvent qu'être compatibles !

Iconographie de La double Hélice (détails


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Pendentif. Crédit Aliexpress.
Chargaff essaiera de tourner en dérision l'icône qu'est devenu le schéma de la double hélice réalisé par Odile Crick: «le puissant symbole remplaçant la croix, qui sert de signature aux analphabètes en biologie».

Mais aucune représentation liée à la chimie ou à la biologie n'a connu un tel succès dans l'histoire. Ce schéma devenu mythique s'insère de façon troublante dans d'autres mythes liés à l'hélice et qui nous viennent de la nuit des temps.


Epilogue 


Dans ses détails l'histoire contée par La Double Hélice enchaine une suite d'évenements aussi aléatoires qu'imprévisibles.

Mais la vision qui s'en dégage et le courant qui porte cette histoire sont eux lui solidement établis; c'est un point de vue formidablement réductionniste qui donne à entendre que tout est dans l'ADN.

L'élucidation de la structure de l'ADN n'est qu'une des premières étapes d'une marche, perçue plutôt comme "triomphante", de la biologie moléculaire.

Nous avons décrypté une partie significative des mécanismes qui permettent à l'ADN de contrôler la machinerie cellulaire, mais nous n'avons pas découvert le secret de la vie.

Alors nous avons décidé de séquencer le génome; le projet génome humain (ou HGP pour Human Genome Project), commencé en 1989 a duré une douzaine d'années au prix d'un investissement considérable. Il a été significatif de l'envahissement de la recherche en biologie moléculaire par les intérêts privés (11). Les techniques de séquençage ont extraordinairement progressé dans l'aventure (12), mais nous n'avons toujours pas découvert le secret de la vie.

On identifie des criminels, on établit des relations de parenté (y compris entre momies égyptiennes); on retrace les migrations des premiers Homo sapiens, on surveille l'évolution des coronavirus, mais les résultats des expériences de génétique inversée (voir la page gène) nous ont surtout montré que l'organisation du génome était bien plus complexe que nous le pensions.

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DNA Prison, 2018, par Goin © Creative commons
James Watson avait pressenti que l'ADN n'est pas une molécule comme les autres. Les acides nucléiques sont la seule famille de molécules biologiques capable de stocker de l'information à l'échelle moléculaire. L'ADN permet aux êtres vivants d'être des machines à apprendre. Mais les résultats de l'apprentissage ne sont pas enregistrés directement. Un processus lent et complexe impliquant les niveaux d'organisation supérieurs que sont les cellules, les organismes et les populations et qui s'appelle la sélection naturelle est nécessaire. Appréhender dans son essence ce que la nature, par essai / erreur, à mis des millions (et même des milliards) d'années à produire ne nous est pas révélé et nous restera sans doute en grande partie inaccessible; peut-être faut-il plus l'espérer que le regretter (cf la page Brave New World).

Notes

11. James Watson a participé a cette aventure et son opposition résolue à la brevetabilité du génome humain (elle lui a coûté son poste de directeur du Human Genome Projet au NIH -National Institute of Health-) attire ma sympathie.

12. Le HGP aura coûté a peu près 3 milliards de dollars (essentiellement payé par les contribuables américains). En 2013 le même résultat pouvait être obtenu en quelques heures pour seulement 1 000 dollars (Le Monde, 2013).

En janvier 2020 l'institut Pasteur séquençait (en 3 jours) le génome complet des premiers SARS-COV-2 / Covid-19 détectés en France (29903 nucléotides). La protéine Spike comptend 1273 acides aminés.

Références 

↑ Anna Kizilova. Nikolay Koltsov (consulté en octobre 2020).

(dans l'ordre alphabétique des noms des auteurs; la version anglaise de l'article de Wikipedia consacré à Rosalind Franklin m'a aussi été très utile pour rédiger cette page).

 Avery O.T. & MacLeod C.M. & McCarty M.. 1944. Studies on the chemical nature of the substance inducing transformation of Pneumococcal types. J. Exp. Med. 79, 137-159 (image pdf).
Une expérience trop en avance pour être comprise en son temps.

 Soraya de Chadarevian. 2003. The Making of an Icon. Science vol 300 issue 5617: 255-257. DOI: 10.1126/science.1081133a.
L'article contient une discussion intéressante sur la série de photographies réalisée par Antony Barrington Brown vers mai 1953 qui figure James Watson et Francis Crick devant leur modèle moléculaire dit "original": il s'agit en fait d'une reconstitution (avec un modèle bien plus grand que l'original, qui montre l'importance, dès 1953, de la communication dans les médias).

 Erwin Chargaff et al... 1950. Nucleotide Composition of Pentose Nucleic Acids from Yeast and Mammalian Tissues. Nature. 421: 407-408 (pdf).

 Erwin Chargaff. 1968. A Quick Climb Up Mont Olympus. Science vol 159: 1448-1449.
Une des premières revues publiée du livre de Watson et peut-être la meilleure. Chargaff est (très) critique, comme on pouvait s'y attendre, mais concède au récit une certaine franchise et le considère au final comme une contribution utile à la démytification de la science.

 Francis Crick. 13 avril 1967. Letter to James Watson (image pdf).
 Francis Crick. 1974. The double Helix: a personal View. Nature 248: 766-769.
Plus qu'une réponse à La double Hélice, c'est surtout un commentaire, 21 ans plus tard, des communications sur l'ADN présentes dans le numéro 171 de la revue Nature analysées du point de vue de l'état passé et présent (en 1974) des connaissances.

 Anna Kizilova. Nikolay Koltsov (consulté en octobre 2020).

 Aaron Klug. 2004. The Discovery of the DNA Double Helix. J. Mol. Biol. (2004) 335, 3–26. doi:10.1016/j.jmb.2003.11.015 (pdf).
Pour tous ceux qui ont une culture scientique, c'est l'article le plus précis, et le plus didactique dans sa description des fausses pistes poursuivies par chacun, du rôle longtemps resté dans l'ombre des chefs de laboratoire, et de l'après-découverte. Si vous ne lisez qu'un seul document sur l'élucidation de la structure de l'ADN, il faut que ce soit celui-là.

 Fredholm Lotta (Science Journalist). 30 September 2003. The Discovery of the Molecular Structure of DNA - The Double Helix. Sur le site officiel du prix Nobel.
Cet article tente de justifier pourquoi Rosalind Franklin n'a pas eu le prix Nobel. Comme un prix ne peut-être reçu par plus de trois personnes, certains ont estimé qu'une reconnaissance équitable aurait attribué le prix nobel de chimie à Chargaff et Franklin tandis que celui de biologie l'aurait été à Crick et Watson.

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 Brenda Maddox. 2002. Rosalind Franklin: The Dark Lady of DNA. Harper & Collins, London.
L'ouvrage de Maddox reprend les critiques féministes de Sayre, mais montre aussi que la situation conflictuelle dans laquelle se trouvait Franklin au King's Collège tenait autant à l'ambiguité de l'attitude de son supérieur hiérarchique John Randall qu'au fait que les origines juives de Franklin étaient mal vues dans une intitution religieuse anglicane (le King's Collège) fondée en opposition au laïque University College of London.

 Brenda Maddox. 2003. The double Helix and the 'wronged Heroine'. Nature. 421: 407-408 (pdf).
Un résumé du livre qui précède.

 Rosalind Franklin & Ray Gosling. 1953. The Structure of Sodium Thymonucleate Fibres I. The Influence of Water Content. Acta Cryst. 6, 673-677 (pdf).
Un article plus développé que celui de Nature et contenant plus de clichés; reçu le 6 mars 1953.
 Rosalind Franklin & Ray Gosling. 1953. The Structure of Sodium Thymonucleate Fibres II. The Cylindrically Symmetrical Patterson Function. Acta Cryst. 6, 678-685 (pdf).
L'analyse mathématique des clichés.
 Rosalind Franklin & Ray Gosling. 1953. Molecular Configuration in Sodium Thymonucleate. Nature. 171: 740-741 (image pdf).
 Rosalind Franklin & Ray Gosling. 1953. Evidence for 2-Chain Helix in Crystalline Structure of Sodium Deoxyribonucleate. Nature. 172: 156-157 (image pdf).

 Lynne O. Elkin.. 2003. Rosalind Franklin and the Double Helix. Physics Today, volume 56, issue 3: 42-. DOI 10.1063/1.1570771 : (pdf).

 Linus Pauling & Robert Corey. 1953. A proposed Structure for the nucleic Acids. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America. 1953;39(2): : 84-97 (pdf).

 Anne Pipper. 1998. Light on a Dark Lady. . Trends in Biochemical Sciences, 23: 151-154. (pdf)

 John Randal. 4 décembre 1950. Letter to Rosalind Franklin. sur le site du NIH (USA).
«This means that as far as the experimental X-ray effort is concerned there will be at the moment only yourself and Gosling»

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 Anne Sayre. 1975. Rosalind Franklin and DNA. Norton and Company, New York.
Anne Colquhoun Sayre est une écrivaine américaine mariée au crystallographe David Sayre. Accompagant son époux qui commence à travailler à Oxford en 1949, elle rencontre Rosalind Franklin à Paris la même année et restera pendant toute sa vie l'une de ses meilleures amies. Choquée par le personnage de Rosy tel que le dépeint Watson dans La double Hélice, elle entreprend une recherche de documents sur Franklin qui aboutissent cinq ans plus tard à la publication de ce livre.

 James D. Watson & Francis H. Crick. 1953. Molecular structure of nucleic acids; a structure for deoxyribose nucleic acid. Nature 171: 737-738 (image pdf, copie html).
Là où apparait pour la première fois le schéma iconique de la double hélice.
 James D. Watson & Francis H. Crick. 1953. Genetical Implications of the structure of Deoxyribonucleic Acid. Nature 171: 964-967 (image pdf).
Un article encore plus spéculatif que le précédent mais le seul fournissant des éléments précis accompagnés d'une intuition visionnaire de la réplication de l'ADN.

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 James D. Watson. 1968. La double Hélice (1968. The double Helix: a personal Account of the Discovery of the Structure of DNA. Atheneum, New York). Robert Laffont, Paris.
Le document principal discuté dans cette page (Comme souvent, la traduction en français «Comment un jeune savant de 25 ans, en découvrant la structure de l'ADN, a donné au monde le secret de la vie» est un contresens total du sous titre anglais «a personal Account of the Discovery of the Structure of DNA». Bien qu'il s'agisse, selon les mots de l'auteur d'un récit d'aventure, l'ouvrage manque cruellement d'un index et la chronologie est difficile à suivre.

Une réédition illustrée et annotée parait en 2012 (The Annotated and Illustrated Double Helix, edited by Alexander Gann and Jan Witkowski. Simon & Schuster). Les documents ajoutés en notes ont en partie été publiés ailleurs depuis la première édition, mais les réunir dans un seul ouvrage a son intérêt, et, mis en relation avec le texte de Watson, ils en corrigent quelque peu les erreurs; leur choix est excellent. Un index est enfin présent. Je trouve bien plus discutable l'ajout de multiples photographies, souvent très éloignées du sujet, dont l'insertion au milieu du texte gène la lecture, et, c'est le pouvoir psychologique de l'image, créent une illusion de "vérité" que le récit n'a pas, même en prenant en compte les annotations (la première édition contenait "seulement" 17 photographies hors texte).

 Maurice Wilkins & A.R. Stokes & H. R. Wilson. 1953. Molecular Structure of Deoxypentose Nucleic Acids. Nature 171: 738-740 (image pdf).

Bibliographie

 Larry Gonick & Mark Wheelis. 1986. Guide illustré de la génétique (1983. Cartoon Guide to Genetics. Harper & Row, New York). Belin, Paris: 116-124.

 Alain Bernot, Olivier Alibert. La naissance de la biologie moléculaire.

 Dolan DNA learning center, traduit par l'université de Genève. La molécule d'ADN à la forme d'une double hélice. Une présentation très claire, malheureusement au service d'une trahison considérable de la vérité historique et globalement d'une vision très "américaine" de la biologie moléculaire.
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